Article de Costanza SPINA sur le site « Lense » sur l’ouvrage Images de Syrie, Palmyre, Alep, Damas.

https://www.lense.fr/news/michel-eisenlohr-dalep-a-palmyre-images-dune-syrie-perdue/

« (…) Eisenlohr est un artiste en quête de sens, fuyant la photographie esthétisante contemporaine, y préférant des références plus classiques et narratives. Tout comme chez ses modèles Depardon à Cartier-Bresson, son univers est riche de poésie, d’histoires, de détails bouleversants. Alors que nos fils d’actualité sur les réseaux se remplissent d’images aussi parfaites que dépourvues de toute intention, Eisenlohr fait le choix de renouer avec une photographie de l’aventure, de l’humain, une photographie de rue aussi spontanée que marquante. C’est sans doute cette simplicité loin des sensationnalisme qui fait de cette série hommage à la Syrie, un moment de contemplation. « Pour cette série, l’argentique n’était pas une option. C’était le seul choix possible. Le numérique n’était pas encore là ! », nous raconte-t-il.

C’est en donc en 2002 que le photographe et curateur Issa Touma, basé à Alep (et aujourd’hui exilé à Londres), invite Michel Eisenlohr en Syrie. Nourri de sa connaissance du soufisme, le photographe décide de s’embarquer dans un voyage en voiture vers cette terre aux imaginaires mythiques presque comme dans un voyage initiatique. Il immortalise alors les rues d’Alep et de Damas, en y capturant la vivacité et les visages apaisés des habitants. C’est ensuite à Palmyre qu’il réalise une collection d’images uniques des ruines, témoignant d’un amour sincère pour l’archéologie, rappelant les poètes du Grand Tour et les peintres romantiques qui se rendaient à Rome et en Grèce pour peindre la beauté des antiquités. La Syrie devient alors un lieu d’Histoire mais aussi d’onirisme, un musée à ciel ouvert et un grand tableau romantique. En se baladant parmi ces photographies, les émotions débordent : le 90% de ces sites a aujourd’hui été balayé par la folie meurtrière. Le regard du photographe reste, alors, un dernier témoignage d’un monde irrémédiablement perdu. C’est l’idée du sacrifice et du martyr qui touchent en profondeur et de manière universelle ceux qui admirent ces clichés.

Pourtant, un sens d’apaisement se dégage lorsque l’on ferme ce livre. Une expiation s’est accomplie, une catharsis qui aura permis au spectateur de mettre des mots sur des sentiments confus et enfouis face à la cruauté de la guerre. Un livre nécessaire, touchant et simple, témoignage d’un passé pas si lointain vu par un photographe qui sait regarder le monde avec une poésie et une justesse hors pair. »